Horoscope

BALANCE
23 Sept - 23 Oct

Notez cet article
(0 Votes)

L’art et l’engagement de Nadine Labaki

L’art et l’engagement de Nadine Labaki © Jihad Hojeily.

Est-il encore besoin de présenter Nadine Labaki, actrice, scénariste et réalisatrice libanaise qui a décroché le prix du jury au Festival de Cannes pour son film coup de poing, Capharnaüm? Dans ses yeux, de la colère mêlée de tendresse, dans ses propos, une révolte bouleversante de sincérité. Elle veut parler de tout ce qui la touche, partager avec sa voix, son regard, ses tripes, tout ce qu’elle ressent face à l’injustice et à la maltraitance subies par les enfants. Nadine va droit au but. Elle veut que les choses changent. La réalisatrice-femme-mère livre à Femme Magazine ses états d’âme sans complaisance.

Nadine Labaki, pourquoi le choix du cinéma?
Le choix du cinéma s’est fait très tôt, vers 12-13 ans. Au Liban, malheureusement, ayant vécu la guerre on a été très longtemps confiné à vivre derrière les sacs de sable et dans les abris, le seul moyen de m’évader de la routine de ma vie… – parce que l’ennui faisait grande partie de ma vie en tant qu’enfant – était le cinéma. Il m’a permis de découvrir le monde. J’avais la chance d’habiter au-dessus d’une petite échoppe de location de cassettes VHS, et on y passait notre temps. On revoyait les mêmes films. J’ai alors compris que, en fait, pour créer ces vies différentes ou ces histoires différentes, et pour sortir de la routine, il me fallait créer ma propre histoire, il fallait devenir réalisateur. Très vite, j’ai décidé que c’est cela que je voulais faire. Je voulais faire des films, je voulais appartenir à ce monde. Et puis mon père me racontait que mon grand-père possédait une petite salle de cinéma à Baabdat. C’était une petite salle humble mais mon père passait beaucoup de temps dans la salle de projection. Il y a sans doute quelque chose de tout ça qui est resté en moi.

Quand vous faisiez vos études à l’IESAV, est-ce que vous imaginiez un tel succès?
C’était comme une foi personnelle. Je pensais qu’il fallait faire quelque chose dans la vie. Qu’on est là pour accomplir une mission spécifique. Cela je l’ai senti très tôt. Le cinéma est devenu ma manière de m’exprimer, d’exprimer ma colère, mes frustrations, mes obsessions du moment, les thèmes qui me hantent, comme vouloir comprendre ce qui se passe. Très vite, j’ai voulu profiter de cela. Et profiter du cinéma. Parce que je sais à quel point un film peut changer les choses. Je crois profondément au pouvoir du cinéma. Quand on réalise cela, on sent qu’on a une responsabilité dont on ne peut pas se défaire. Je crois vraiment qu’en tant qu’artiste, on doit être engagé, on ne peut plus juste faire un film pour le «entertainment». Un film doit avoir un apport plus grand. C’est cela qui m’a inspirée. Une forte ambition, en ce sens que je voulais que ça ait un impact sur la société dans laquelle je vis.

Entre Caramel et Capharnaüm, il y a un cheminement à la fois technique et intellectuel…
Évidemment, il y a une maturité. C’est normal. On n’est pas la même à 30 ans et à 40 ans. Il y a l’expérience de la vie, la maternité… La maternité est un tournant important! C’est une autre vision de la vie, une autre perspective, une autre expérience. C’est le sentiment de responsabilité qui donne cette maturité. C’est sûr que la maternité a été un tournant, mais aussi l’expérience… Et puis, on ne peut pas vivre dans ce pays sans se sentir concerné. Vivre dans cette injustice perpétuelle vis-à-vis de tout, vis-à-vis de tous ces gens complètement exclus du système. Ces gens devenus complètement invisibles. On ne peut pas rester insensible à cette réalité. Je me sens concernée, c’est tout!

La maternité est bien présente dans Capharnaüm…
Beaucoup! C’est sûr! Au moment du tournage ma fille avait exactement l’âge de Yonas (le petit bébé dans le film), moi aussi j’allétais ma fille entre deux prises comme Yordanos-Rahil allaite l’enfant. C’était vraiment comme un miroir qui reflétait ma vie personnelle! Plein de choses dans ce film se sont passées en parallèle, de cette façon. Par exemple, deux jours après le tournage de la scène d’arrestation de Rahil, elle se fait arrêter dans la vraie vie, exactement de la même manière, parce qu’elle n’avait pas de papiers au moment du tournage. Les parents de Yonas, pareil, ils sont arrêtés avec elle. Pendant que Yonas dans le film était sans sa maman, dans la vraie vie il était aussi sans maman. On a dû l’accueillir chez nous. Il était chez la directrice du casting qui l'a gardée – parce qu’en réalité Yonas est une fille – presque 3 semaines chez elle. Nous l’avons élevée. C’était notre enfant à nous. C’est incroyable! C’était tout le temps un reflet de la réalité, ce film. En même temps, ça me réconfortait dans le sens où je me disais que ce n’est pas une fiction, pas de la fantaisie. Il y avait tout le temps ce parallélisme, ce va-et-vient entre fiction et réalité.

 

 

Laissez un commentaire

(*)Mentions obligatoires

captcha...

Editorial

Faut-il s’étonner des multiples scandales qui se sont succédé cet été à l’Aéroport International Rafic Hariri de Beyrouth? Voilà plusieurs années que notre unique aéroport dit «international» ressemble dramatiquement à notre chaos national! Il souffre d’un mal chronique aggravé par une dégradation galopante. Décrépitude, pourrissement…

En savoir plus